Vague de prière pour le jeudi 11 avril 2024

 La semaine dernière, l'armée israélienne s'est retirée du plus grand hôpital de la bande de Gaza après l’avoir occupé durant deux semaines, laissant derrière elle des scènes de dévastation. Des sources locales qui ont été témoins d'atrocités pendant plus de 180 jours nous disent que ce qui s’est passé à l'hôpital Al-Shifa est « indescriptible ». Les photos, les vidéos et les récits des témoins oculaires font état de tortures, de meurtres et de destructions inimaginables. On ne connaît pas encore le nombre de morts puisque les corps ne sont plus identifiables, mais l'agence de défense civile de Gaza affirme qu'au moins 300 Palestiniens ont été tués dans et autour de l'hôpital. L’hôpital Al-Shifa lui-même est complètement hors service.

Dieu de guérison (« shifa » en arabe, comme dans le nom de l’hôpital), combien de morts, de destructions et de tortures notre peuple devra-t-il encore endurer ? Combien de vies palestiniennes devront encore être fauchées pour que le reste du monde réagisse enfin ? Pourquoi ne mets-tu pas fin à cette horreur, Seigneur ? Toi, Homme de douleurs, aide-nous à être des témoins de Ton amour et aussi des souffrances des opprimés, même s'il nous est difficile de voir ta présence parmi nous, « car nous marchons par la foi, non par la vue » (2 Corinthiens 5.7). Seigneur, dans ta miséricorde, entends notre prière.

La semaine dernière, les législateurs israéliens ont approuvé à une écrasante majorité une loi qui donne aux ministres le pouvoir de bloquer temporairement les réseaux d’information étrangers s’ils les considèrent comme un risque pour la sécurité. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a déclaré qu'il « agira immédiatement » selon cette loi, en mettant fin aux activités de la chaîne Al-Jazeera.

Dieu de vérité, nous sommes inquiets suite à cette récente loi israélienne, car elle restreint la liberté de la presse et la liberté d'expression. Nous savons que ceux qui commettent le mal veulent agir dans l’obscurité, et que ceux qui mettent en lumière leurs actes sont une épine dans leurs pieds. Seigneur, aide-nous à lutter contre la désinformation politique et la censure. Nous te sommes reconnaissants pour les courageux journalistes de Gaza qui vont jusqu’à se sacrifier pour donner la parole à ceux qui ne l’ont pas et pour faire connaître la vérité dans un monde de tromperie sans bornes et d’immense confusion. Seigneur, dans ta miséricorde, entends notre prière.

Le 1er avril, l’armée israélienne a tué sept personnes d’un convoi humanitaire de l’ONG World Central Kitchen à Gaza. Malgré la coordination entre World Central Kitchen et l’armée israélienne, les marquages sur les véhicules portant le logo de l’ONG et leur déplacement dans une « zone sans conflit », le convoi a été touché. Suite à cette attaque, des centaines de tonnes d'aide vitale destinées aux habitants de Gaza ont dû être renvoyées à Chypre. Depuis le 7 octobre, près de 200 travailleurs humanitaires sont morts à Gaza, en majorité des Palestiniens.

Dieu de la vie, aide-nous à comprendre que le meurtre des travailleurs de l’ONG World Central Kitchen et de centaines de travailleurs humanitaires palestiniens est une agression envers tous ceux qui tentent d'apporter une aide dans les situations les plus horribles que notre monde puisse connaître. Nous te remettons la vie des nombreux ‘Bons Samaritains’ qui ont été martyrisés dans notre pays, qu'il s’agisse de travailleurs internationaux ou de Palestiniens. Souvenons-nous de ce proverbe : « Tel fait des largesses et s’enrichit encore, tel autre épargne plus qu’il ne faut et connaît l’indigence » (Proverbes 11.24). Seigneur, dans ta miséricorde, entends notre prière.

Sabeel a appris avec tristesse la nouvelle du décès soudain de Guy Fabreguettes, un ami de Sabeel et le trésorier des Amis de Sabeel France. Sabeel présente ses condoléances à la famille de Guy et à tous ses proches et se joint aux Amis de Sabeel France dans leur deuil. Guy est décédé le 1er avril, lundi de Pâques.

Dieu de miséricorde, nous te confions Guy Fabreguettes et tous ceux qui pleurent sa perte. Tu es un Père bon et plein d’amour, et tes bénédictions se renouvellent chaque matin. Sois aux côtés de la famille de Guy qui pleure sa perte. Que Ton Esprit Saint réconforte tous ceux à qui il manque. Avec eux tous, nous nous souvenons de ta promesse de résurrection : la mort ne sera plus, et la victoire de l'amour sera éternelle. Seigneur, dans ta miséricorde, entends notre prière.

Vigile de Pâques, Bethléem, 30 mars 2024

Vigile de Pâques pour Gaza, Bethléem, samedi 30 mars 2024, Rév. Dr. Munther Isaac :

Cette année nous vivons le temps de Pâques en Palestine dans un contexte particulièrement difficile : Cela fait 175 jours maintenant qu’un génocide a commencé. 175 jours de bombardements, d’état de siège, de famine. Jamais je n'aurais pensé que ce serait encore le cas à Pâques. J’étais sûr que toute cette violence sera alors derrière nous. Je pensais que les dirigeants du monde avaient une conscience. Apparemment je me suis trompé.

Aujourd'hui, nous sommes entrés dans une nouvelle phase de cette guerre de génocide dans laquelle les habitants de Gaza sont tués par la faim, par la soif et par les maladies. On les affame jusqu’à la mort. Une mort lente… Ils sont suspendus entre ciel et terre, à mourir lentement sous le regard du monde entier. Ils n'ont ni aspect ni gloire pour que nous les admirions, eux dont les humains détournent le regard.

Il a fallu plus de 5 mois, et 32 000 morts dont 13 000 enfants, pour que le Conseil de Sécurité des Nations unies demande enfin un cessez-le-feu ! Mais sur le terrain rien n'a changé. Depuis quand Israël se soucierait-il des résolutions de l'ONU ? Israël n'a jamais été tenu pour responsable, jamais été condamné par les dirigeants de l’occident. Cela reste le plus grand problème aujourd'hui.

Ce que nous demandons maintenant, c’est qu’au moins l'aide et la nourriture puissent entrer dans la bande de Gaza. Nous avons renoncé à exiger un cessez-le-feu. Mais : Laissez entrer de la nourriture, de l'eau, et des médicaments ! …Seigneur, prends pitié !

Mes amis, un génocide a été normalisé. Comme gens de foi, si nous prétendons vraiment suivre un Sauveur crucifié, nous ne pourrons jamais accepter cela. Jamais nous ne pourrons accepter qu’un génocide soit normalisé. Jamais nous ne pourrons accepter que des enfants meurent de faim, non pas à cause de la sécheresse ou de la famine mais à cause d'une catastrophe mise en place par des humains ! À cause de l'Empire.

C’est cela la réalité : un génocide a été normalisé tout comme l’a été l'apartheid en Palestine, et auparavant en Afrique du Sud. Tout comme l’ont été l'esclavage et le système des castes. Il est devenu évident que les dirigeants des superpuissances et ceux qui bénéficient de ce colonialisme moderne ne nous considèrent pas comme leurs égaux. Ils ont créé un narratif pour normaliser le génocide. Ils ont une théologie pour cela. Qu’un génocide ait été normalisé est bien le pire des racismes.

Interview de Munther Isaac, par le président des Amis de Sabeel France, le 20 mars 2024

Comment est la vie au quotidien ?

Bethléem est actuellement assiégée et notre accès à Jérusalem a été coupé. Nous hésitons à quitter la ville par peur de la violence des colons, aggravée par les restrictions renforcées aux points de contrôle. Le déclin du tourisme a entraîné une perte de revenus pour de nombreuses familles. Même si ces défis sont importants, il est crucial de maintenir notre attention sur Gaza, où se déroule une crise humanitaire. La situation là-bas exige toute notre attention, car elle représente une crise plus grave, soulignant la nécessité d’efforts concertés pour résoudre les difficultés persistantes à Bethléem et à Gaza.

Comment les gens se sentent-ils et réagissent-ils face à tout ce qui se passe à Gaza et en Cisjordanie ?

Nous sommes remplis de frustration et de colère face à la durée prolongée de cette guerre. Il existe une crainte omniprésente que le même sort puisse arriver à Bethléem. Un sentiment de désespoir persiste parmi ceux qui ont choisi de partir, mais un puissant esprit de résilience prévaut parmi ceux qui reconnaissent que la défaite n’est pas une option. Malgré les défis, un effort collectif est en cours pour se rassembler et se soutenir mutuellement, notamment sur le plan économique, notamment en Cisjordanie.

Qu’en est-il dans les camps de réfugiés à Bethléem et aux alentours ?

Il y a des incursions presque quotidiennes de Tsahal dans les camps. De nombreux jeunes hommes et femmes ont été tués dans ces camps de réfugiés. Plus l'espoir dans une solution pacifique diminue, plus les jeunes hommes optent pour la résistance armée. Les camps de réfugiés ne sont plus sûrs. Désormais, il est impossible de séparer les deux entités, car elles font désormais partie intégrante de la municipalité de Bethléem. Dans les écoles luthériennes, de nombreux élèves sont des réfugiés et ils sont traités avec le même respect et la même égalité que tout autre élève. La principale distinction entre les réfugiés et les résidents de Bethléem réside dans leur engagement inébranlable en faveur du droit au retour.

Est-il encore possible de se déplacer ?

Actuellement, franchir les points de contrôle est devenu de plus en plus difficile en raison des restrictions renforcées, des retards fréquents et des fermetures occasionnelles inopinées. Pour ajouter aux difficultés, du 7 octobre à la mi-février, la principale route reliant Bethléem à Jérusalem et Hébron était totalement fermée aux voitures. Même si le passage est théoriquement possible, il est loin d’être garanti. Malheureusement, la majorité des Palestiniens, moi y compris, se sont vu refuser l’autorisation de se rendre à Jérusalem pour travailler ou prier pendant cette période.

Comment réagissent les membres de la paroisse ?

Nous sommes profondément troublés, attristés, en colère et affligés. Plusieurs membres de notre paroisse de Beit Sahour ont des liens familiaux étroits à Gaza, ce qui renforce leurs inquiétudes. Ils vivent dans une peur constante depuis cinq mois, s'inquiétant du bien-être de leurs proches à Gaza. Tragiquement, une famille a perdu trois membres, dont un a succombé au manque de médicaments actuellement disponibles à Gaza. L’impact n’est pas seulement physique mais aussi spirituel et psychologique, aggravé par les pertes d’emplois dues au déclin du tourisme. Beaucoup se sentent abandonnés et la nature prolongée du génocide en cours intensifie un sentiment démoralisant. Cela ajoute à la détresse que le monde, apparemment indifférent, ne reconnaisse pas les Palestiniens comme égaux, perpétuant ainsi un sentiment d’inégalité et d’injustice.